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Mozilla, Mission.
Mozilla France a déménagé dans de nouveaux locaux au 16, rue boulevard Montmartre à Paris. Comme le bâtiment de style 18eme siècle est particulièrement remarquable (bien que pas très à mon goût), la presse en parle. Laurent a écrit un billet sur le lieu, ce qui en retour a piqué ma curiosité pour en savoir un peu plus. Laurent et moi échangeons des informations dans les commentaires de son billet.
Le propriétaire en 2013 de l'ensemble de l'immeuble, dont Mozilla ne loue qu'une partie, est Gecina.
Les personnes
L'hôtel particulier a été construit en 1778. Firmin Perlin est l'architecte. Il avait alors 31 ans. Il est mort à l'âge de 36 ans de turberculose.
Le client Jean-Joseph de Laborde (sur la droite) réalise sa fortune sur le commerce des biens rares tels que les fruits et les essences d'arbres tropicaux. Il participe à la traite des esclaves également. Il semble posséder de nombreuses propriétés. Il sera guillotiné en 1794. Sur Gallica, on peut trouver les listes des guillotinés par le tribunal révolutionnaire. Ces listes sont terrifiantes. Elles énumèrent des personnes de toutes conditions sociales jugées et exécutées aussitôt.
Jean-Joseph ne semble ne pas avoir gardé le bâtiment longtemps qui est aussitôt revendu ou cédé au comte de Mercy-Argenteau, alors ambassadeur d'Autriche. Mais ce n'est pas si clair. Toutes les sources d'information sur wikipedia semblent répéter la même histoire. Les deux personnes semblent avoir été proches et leurs maisons étaient proches selon l'introduction de ce livre publié en 1889, Correspondance secrète du comte de Mercy-Argenteau avec l'Empereur Joseph II et le prince de Kaunitz.
M. de Mercy était surtout très étroitement lié avec le grand banquier Jean-Joseph de Laborde, un des hommes qui honorèrent le plus la nation française à la fin de l'ancien régime.
L'origine de leurs relations se devine aisément. En 1760, M. de Laborde avait épousé une des filles de Mme Nettine, qui dirigeait à Bruxelles la grande maison de banque, chargée des affaires de la cour de Vienne aux Pays-Bas. Cette dame était en outre l'amie intime du comte de Cobenzl, le ministre qui était à la tête de l'administration des Pays-Bas autrichiens et elle avait toute la confiance de l'Impératrice et du prince de Kaunitz qui avait les Pays-Bas dans ses attributions. Comme M. de Laborde était à Paris le représentant de sa belle-mère, il avait forcément des relations avec les ambassadeurs impériaux, qui devaient être trop heureux de pouvoir fréquenter une maison agréable, où la meilleure société de Paris se donnait rendez-vous. On y rencontrait entre autres le prince de Conti, Mme de Brionne, le duc de Gontaut, la duchesse de Gramont et son frère le duc de Choiseul, qui donnait en toute occasion les preuves de la plus vive amitié à M. de Laborde, qui de son côté lui rendait les plus grands services. Aussi lorsque M. de Mercy fut admis dans l'intimité de la famille de Choiseul, à la fin de l'année 1768, il devint en même temps l'ami de M. de Laborde, qui dès lors est souvent nommé dans les dépêches de l'ambassadeur. Cette intimité s'accrut encore, en 1778, quand M. de Mercy fut venu habiter son hôtel sur le boulevard, qui était tout à côté de l'hôtel de M. de Laborde, situé rue Grange-Batelière W. M. de Mercy devint alors l'un des familiers les plus assidus de la maison de Laborde. Non seulement il y trouvait des amis sûrs et dévoués, un homme du plus grand mérite et une femme de premier ordre, qui savaient attirer chez eux la meilleure société de Paris, mais il recueillait dans ce salon des mieux informés les plus précieux renseignements sur les affaires d'Etat comme sur celles des particuliers et il en profitait pour augmenter l'intérêt de ses dépêches. En outre, M. de Laborde par sa position pouvait lui fournir les notions les plus certaines sur les intrigues de cour, sur l'état du Trésor royal, sur la situation économique de la France, etc.
Arneth, Alfred von., Correspondance secrète du comte de Mercy-Argenteau avec l'Empereur Joseph II et le prince de Kaunitz.
Une note de pied de page précise
M. de Laborde, qui possédait presque tout ce quartier qu'il avait complètement transformé en y perçant des rues et en y bâtissant un grand nombre de maisons, avait sans doute cédé à M. de Mercy un terrain pour y bâtir son hôtel. Nous savons que M. de Laborde, qui s'occupait de la fortune de ses amis, prenait soin des affaires de M. de Mercy comme des affaires du duc de Choiseul. C'est en l'hôtel de M. de Laborde que fut signé le 26 septembre 1775 le contrat passé entre le comte de Mercy et le marquis de Castellane pour la baronnie de Conflans.
Arneth, Alfred von., Correspondance secrète du comte de Mercy-Argenteau avec l'Empereur Joseph II et le prince de Kaunitz.
Difficile de savoir donc pour qui Firmin Perlin a vraiment construit l'hôtel particulier du boulevard Montmartre et avec quel argent. Cependant on trouve aussi dans le texte, la mention suivante à la page XXVI
En quittant son palais de la rive gauche, M. de Mercy alla habiter le superbe hôtel qu'il venait de se faire bâtir sur le boulevard Richelieu, aujourd'hui des Italiens, vis-à-vis la rue de Richelieu. Cette maison était assez remarquable pour que les guides de ce temps la signalassent à l'attention des provinciaux et des étrangers.
Arneth, Alfred von., Correspondance secrète du comte de Mercy-Argenteau avec l'Empereur Joseph II et le prince de Kaunitz.
Et une autre note de pied de page
Voici ce que nous en dit Hardy à la date du 9 juin 1778 : « Ce jour, me promenant sur les boulevards anciens, depuis la porte Saint-Martin jusqu'à la place Louis XV, je remarque… que depuis trois ou quatre ans on avait élevé de droite et de gauche, jusqu'à l'entrée du faubourg Saint-Honoré, de superbes maisons dans la construction desquelles on voyait briller et les talents de nos modernes artistes et le goût actuellement décidé des Parisiens pour le luxe et la décoration. Le comte de Mercy, ambassadeur de l'Empereur à la cour de France, originaire d'Italie et l'un des plus riches seigneurs de la cour impériale, qui avait obtenu de son souverain la permission de se fixer pour toujours dans notre capitale, était du nombre de ceux qui s'y faisaient préparer à grands frais un logement spacieux et magnifique. » (Journal de Hardy, t. III, p. 5oo, Mss. fr. de la Bibl. nat., vol. 6682.)
Grimm, dans un mémoire à Catherine II, écrivait en 1797 : « Un cas bien plus remarquable est celui du comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur de la cour de Vienne en France, où il avait acheté des terres considérables et bâti à Paris un superbe hôtel pour habitation. Il avait d'ailleurs une fortune im mense, dont sûrement une grande partie était placée en France, puisqu'il comptait comme moi y passer sa vie. » (Correspondance littéraire, édition M. Tourneux, t. 1, p. 47.)
Thierry, Guide des amateurs et des étrangers a Paris, Paris, 1786, in- n, t. I,p. 188, et Watin, Le Provincial à Paris, quartier du Louvre, Paris, 1787, in-24, p. 18.
En 1795 l'hôtel de Mercy portait le n° 24 du boulevard de la Loi; mais jusqu'ici nous n'avons pas réussi à déterminer exactement l'emplacement de la maison qui le représente aujourd'hui; cela n'a pas d'ailleurs d'importance pour l'objet qui nous occupe.
Arneth, Alfred von., Correspondance secrète du comte de Mercy-Argenteau avec l'Empereur Joseph II et le prince de Kaunitz.
Il y a de nombreuses autres références dans le texte. Le boulevard semble s'appeler Boulevard de Richelieu. Tout ceci est assez confus finalement. Il semble qu'il soit venu habiter l'hôtel à partir de 1778 seulement.
Le bâtiment
Le bâtiment construit sur le boulevard Montmartre fût quitté par Mercy-Argenteau un peu après la Révolution Française. Je suppose que cela devenait trop dangereux de rester. L'hôtel avait bien moins d'étages au tout début de sa construction. Il a été agrandi au siècle suivant. Dans un document de la Commission du Vieux Paris (pdf) du 27 novembre 2008, on peut trouver une reproduction de la façade du bâtiment original.
1824 Le Grand Cercle. Il s'agit d'un lieu de jeu. Sa fondation remonte à 1824 un "Jockey-Club"pour généraux en retraite disaient les mauvaises langues. Situé presque en face du théâtre des Variétés, le cercle reprenait vie après la fermeture de celui-ci, les vieux barbons venant se reposer des émotions du foyer des artistes. On ne jouait pas de grosses sommes dans cet établissement de jeu qui ne fit pas beaucoup parler de lui sauf au moment de sa fermeture qui fut un scandale.
— Autour du Père Tanguy
Sur une gravure réalisée par Benjamin Pépiot en 1860, on peut voir l'hôtel avec déjà tous ses étages.Selon
Un peu plus d'informations sur une page dédiée aux rénovations récentes de l'hôtel particulier :
Amputé de ses communs et de ses jardins à la Révolution, il est surélevé de trois étages entre 1827 et 1829, augmenté de deux ailes sur cour et devient un immeuble de rapport. Il hébergera au Second Empire des cercles mondains très en vogue. En 1890, il est agrandi d’une vaste salle des fêtes attribuée à Charles Garnier, inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, tout comme le salon n° 2 du 1er étage, orné de colonnes corinthiennes.
1867 : le Cercle comptait plus de cinq cents
membres — Autour du Père Tanguy
1876 : un nouveau nom est adopté Cercle des Ganaches, né de la fusion du Cercle Général du Commerce et de l'ancien Cercle
. Surveillance rapproché par la police. — Autour du Père Tanguy.
20 janvier 1894 : le préfet de Police Lépine faisait fermer le Grand Cercle, à la suite de nombreux rapports signalant la présence aux côtés du propriétaire d'un escroc international, "un nommé Mariovaldi (sic) dit Fabian Guagni dont les exploits ne sont plus à compter et tellement de notoriété publique, qu'il lui est impossible depuis de longues années de fréquenter le dernier des tripots de France C'est pour cela qu'il en était réduit à opérer sur les paquebots à l'étranger" (...) En compagnie de Monsieur Ardisson, l'auteur du scandale de l'Epatant, il fut de s'enfuir du Cercle de l'Union à Hambourg où il venaiit de dépouiller les joueurs d'une centaine de mille francs (expulsé de Baden-Baden. Ce monsieur faisa_it partie de la bande de détrousseurs composée de Belliard, Maria et consors est un grec des plus dangereux(...) extrait d'un rapport de police de décembre 1892.
— Autour du Père Tanguy.
Les cartes
2013 : le 16 du boulevard Montmartre sur OpenStreetMap.
1773 : Sur le plan du quartier Montmartre de Jean-Baptiste-Michel Renou de Chauvigné dit Jaillot, on peut remarquer un grand jardin au niveau du 16 actuel. Il n'existe alors que quelques hôtels particuliers et des fermes. Le plan pourrait avoir été dessiné avant 1773. Il est publié en 1773.
1778 : Construction de l'hôtel
1779 : Plan de la ville et fauxbourgs de Paris avec tous les changements et les édifices les plus récents.
1780 : Un autre plan, Nouveau plan routier de la Ville et Fauxbourgs de Paris en 1780 semble montrer un bâti tout autour du bloc de rue avec des jardins intérieurs, mais sans grands détails.
1783 : Nouveau Plan de Paris, avec les augmentations et changements qui ont été faits pour son embellissement. Très similaire.
Boulevard Montmartre
Le boulevard Montmartre était le boulevard Richelieu.
Dans un livre de 1863 sur l'histoire des boulevards
Derrière l'autre rangée d'arbres, parmi les maisons qui surgissent sur d'autres terrains vendus par la famille Choiseul à Dumont, à Forget, à Laborde, à Vessu, voici une propriété établie sous Louis XVI pour M. de Bospin, à l'un des angles de la rue Le Peletier.
[…]
Le Cours, où des arbres furent plantés en 1676, se divisa postérieurement en boulevards de divers noms, et le boulevard Poissonnière fut longtemps dit boulevard Montmartre. Celui qu'on connaît à présent sous cette dernière dénomination s'appelait boulevard Richelieu.
[…]
Notre notice sur la rue Drouot a déjà donné l'historique de la grande propriété située à l'opposite sur le boulevard. La maison adjacente qu'occupe l'ancien cercle a été un hôtel Mercy. Le comte de Mercy-d'Argenteau , ambassadeur du saint-empire, y résida, comme à l'hôtel d'Augny. On accusa ce diplomate, au commencement de la Révolution, d'être à Paris le directeur du comité autrichien, et il se retira à Bruxelles en septembre 1790.
Son frère, dans le même temps, épousait une cantatrice du nom de Levasseur , sa maîtresse, qui devint ainsi baronne du saint-empire, vicomtesse de Mercy-d'Argenteau. L'ambassadeur mourut à Londres quatre ans après; l'autre servit, comme général, dans les armées autrichiennes, et ne cessa de vivre qu'en 1815.
Charles Lefeuve, Histoire des boulevards des Italiens, Montmartre, Poissonnière, Bonne-Nouvelle et Saint-Denis.
En 1905, livre sur l'histoire de la famille Mercy-d'Argenteau
Le comte de Mercy-Argenteau, qui avait pris pour règle de suivre les traditions fastueuses du prince de Kaunitz, s'installa en prenant possession de l'ambassade d'Autriche, au palais du Petit-Luxembourg, qu'il avait loué au prince de Condé(1). C'est là qu'il résida de 1766 à 1778 et qu'il reçut l'empereur Joseph II, lors de son voyage en France en 1774.
Le comte de Mercy ne tarda pas à gagner la confiance du duc de Choiseul, chef du ministère français, avec lequel il négocia et mena à bonne fin le mariage de l'archiduchesse Marie-Antoinette avec le dauphin de France, plus tard Louis XVI. Ce mariage resserrait l'alliance Austro-Française, oeuvre du prince de Kaunitz et comblait les voeux de l'impératrice Marie-Thérèse.
(1) Aujourd'hui, la résidence du président du Sénat; il quitta ce palais en 1778, pour aller habiter un superbe hôtel qu'il avait fait bâtir au boulevard Richelieu, aujourd'hui des Italiens, vis-à-vis de la rue Richelieu.
Eugène Poswick, Histoire de la seigneurie libre et impériale d'Argenteau et de la maison de ce nom, aujourd'hui Mercy-Argenteau.
Dans les procès verbaux de la Commission municipale du Vieux Paris, on trouve :
Quelques auteurs ont affirmé que le comte de Mercy-Argenteau avait habité cet hôtel. Cette affirmation est probablement erronée, les Almanachs royaux, jusqu'à celui de 1790, indiquant ce personnage comme logeant au boulevard Richelieu :
« M. le Comte de Mercy-Argenteau, Ambassadeur de l'Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, au Boulevard Richelieu. »
D'ailleurs, Thiery dit, en parlant de la rue Grange-Batelière :
« … Revenant sur vos pas, vous verrez encore de beaux hôtels avant d'arriver au Boulevard, sur lequel vous remarquerez celui occupé par M. le Comte de Mercy-Argenteau, Ambassadeur de l'Empereur (1). »
Il ne paraît donc pas y avoir de doute dans ce texte, en ce qui concerne la situation, sur le boulevard, de l'hôtel du célèbre diplomate.
Commission du Vieux Paris, Procès verbaux - Commission municipale du Vieux Paris.
Voir aussi Commission du vieux Paris - 21 avril 2009 (pdf)
Le passage est extrait du guide de Luc Thiéry à la page 188.